Une malédiction tombée du ciel
Dans un genre saturé de jeux souls-like, où chaque studio tente de s’imposer comme la relève spirituelle de FromSoftware, WUCHANG: Fallen Feathers choisit une voie différente : celle d’un voyage mystique dans une Chine féodale rongée par une malédiction aussi surnaturelle que politique. En mêlant éléments historiques de la fin de la dynastie Ming et horreurs cosmiques, le jeu propose une relecture orientale du genre, avec une héroïne silencieuse marquée par le destin. Ce projet ambitieux, porté par un studio encore jeune, s’annonce comme une tentative à la fois audacieuse et humble : reprendre les fondements d’un gameplay éprouvé tout en y injectant une esthétique rare et un univers encore peu exploré dans le jeu vidéo.
Rigueur tactique et souplesse martiale
Le cœur de l’expérience repose sur un système de combat exigeant, technique, mais étonnamment souple. Ici, le joueur ne se contente pas de frapper et d’esquiver : il doit observer, lire, s’adapter, chaque mouvement comptant dans une danse létale. La mécanique phare, le "Shimmer", est une esquive ultime déclenchée à la dernière seconde. Non seulement elle évite l’attaque, mais elle recharge une jauge spéciale servant à libérer des capacités surnaturelles. Cette idée renforce l’intensité de chaque affrontement en réclamant non seulement de bons réflexes, mais une compréhension fine des patterns ennemis.
L’arsenal proposé est à la hauteur de l’ambition du titre : sabres longs, doubles lames, masses, hallebardes… chaque type d’arme possède son propre arbre de compétences, ses enchaînements uniques, et une manière bien à lui d’appréhender les combats. L’absence de classe fixe permet une liberté bienvenue : les joueurs peuvent expérimenter, réattribuer leurs points de compétence sans pénalité, et chercher le style qui leur correspond. Ce choix de design favorise la rejouabilité et l’appropriation du système, deux éléments essentiels pour un jeu où la mort est une leçon. Contrairement à un open world classique, WUCHANG: Fallen Feathers adopte une structure semi-ouverte, proche du "metroidvania" dans sa philosophie. Chaque région est un labyrinthe dense, reliée aux autres par des raccourcis, des ascenseurs, ou des chemins bien dissimulés. Le plaisir de la découverte est réel : certains sanctuaires sont nichés dans des ruines oubliées, des boss optionnels gardent des trésors uniques, et les PNJ rencontrés dans les recoins les plus sombres offrent parfois des quêtes aux ramifications subtiles.
Mais cette richesse a un revers : le rythme est inégal. Certains niveaux, notamment les marais corrompus ou les palais dévastés, allongent artificiellement la durée de vie avec des ennemis trop résistants ou des pièges injustes. Le jeu ne guide pas clairement, et même les objectifs principaux peuvent devenir flous, en particulier lors de l’exploration libre après le second acte. Cela peut nuire à l’immersion chez les joueurs moins familiers avec les codes du genre. Cependant, ceux qui acceptent de s’y perdre trouveront dans cette architecture un vrai terrain d’expérimentation, où chaque détour peut offrir une surprise, une rencontre ou un fragment de lore.
Entre mythe et putréfaction
Sur le plan artistique, WUCHANG se démarque avec brio. Le jeu ne se contente pas d’un copier-coller de l’esthétique dark-fantasy occidentale. Il puise dans le patrimoine visuel de la Chine ancienne : temples effondrés, montagnes baignées de brume, statues millénaires rongées par le temps… La palette de couleurs oscille entre l’ocre délavé, le rouge sang, et des teintes métalliques froides, évoquant la mort qui plane partout. Le design des ennemis, bien que parfois inégal, réussit souvent à mêler le grotesque et le mystique : des corps en mutation, des plumes noircies poussant sur des êtres humains, des esprits serpents, des créatures issues de cauchemars animistes.
L’ambiance sonore est à l’unisson. La bande originale, discrète mais percutante, accompagne parfaitement l’exploration. Certains morceaux traduisent une solitude écrasante, d’autres explosent lors des affrontements de boss majeurs, avec percussions martiales et nappes dissonantes. Les bruitages, eux, renforcent l’immersion : le vent dans les feuilles de bambou, les murmures dans les ruines, ou les craquements osseux des monstres sortis de l’ombre. Tout participe à cette atmosphère à la fois élégante et dérangeante, où la beauté et la corruption cohabitent constamment.
Galerie Photos
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Les plus Les moins
Points positifs
- Univers visuel unique inspiré de la Chine féodale
- Système de combat exigeant mais gratifiant
- Liberté de personnalisation des builds sans contrainte
- Architecture des niveaux dense et interconnectée
- Direction artistique soignée, sound design immersif
Points négatifs
- Difficulté parfois mal calibrée (pics soudains, zones-pièges)
- Rythme irrégulier, avec certaines zones inutilement étirées
- Narration trop cryptique, manque d’implication émotionnelle
- Bestiaire commun un peu répétitif sur la durée
- Quelques imperfections techniques au lancement
En conclusion
WUCHANG: Fallen Feathers n’est pas une révolution, mais une proposition solide, maîtrisée et surtout cohérente. Il ne cherche pas à réinventer la roue mais à affirmer sa propre identité dans un genre balisé. Son gameplay, bien que classique dans les grandes lignes, se distingue par la qualité de ses mécaniques de combat et la richesse de ses options de personnalisation. Son univers, à la fois original et minutieusement construit, lui confère une personnalité rare. Pourtant, tout n’est pas parfait : la difficulté manque parfois de mesure, le rythme est haché par des zones frustrantes, et la narration reste trop effacée pour pleinement porter son propos.
Malgré cela, le jeu laisse une empreinte durable. Il prouve que les souls-likes ont encore des choses à dire, à condition de les inscrire dans un contexte culturel fort et de respecter la rigueur qui fait leur force. WUCHANG n’est pas un simple clone : c’est un hommage réfléchi et ambitieux, taillé pour ceux qui aiment souffrir avec élégance.
Testé par Anthony TAELMAN (Tùni)
"Joueur depuis ma plus tendre enfance, j'ai pris la première claque de ma vie en 1996 avec Resident Evil. Créateur en 2012 de CN Play, et toujours à sa tête, mon expérience de nombreuses années dans le domaine du jeu vidéo est maintenant au service de ma talentueuse équipe."