Une pépite narrative hors du temps
Until Then n’est pas un simple jeu vidéo. C’est une œuvre d’art narrative, une confession silencieuse, une lettre d’amour à la mémoire, au deuil, à la banalité du quotidien. Développé par le studio philippin Polychroma Games, ce jeu indépendant transcende les codes habituels du médium pour proposer une expérience sensorielle rare, intime, bouleversante. Il ne s’adresse pas au joueur pressé, avide d’action ou de mécaniques complexes. Il s’adresse à celles et ceux qui savent écouter les silences, observer les gestes les plus simples, ressentir ce qui se joue dans les non-dits. Dans un monde vidéoludique souvent saturé de bruit, Until Then est un murmure — et c’est justement ce qui en fait sa force.
Une narration d’une justesse bouleversante
Le cœur de Until Then, c’est son récit. Et quel récit. On y suit Mark, un adolescent banal, à la vie ordinaire dans une version parallèle des Philippines, où la réalité semble parfois vaciller. Mais ce n’est pas l’étrangeté qui captive : c’est la vérité émotionnelle qui se dégage de chaque scène, chaque ligne de dialogue, chaque moment de solitude ou de gêne. Le jeu maîtrise l’art du détail narratif comme peu d’autres. Un message laissé sans réponse, un regard échangé dans un couloir, une chanson oubliée qui ressurgit sans prévenir : tout sonne juste. Rien n’est superflu, rien n’est forcé. La construction des personnages est d’une subtilité rare, et leur évolution suit une logique émotionnelle naturelle, sans artifice. Les thèmes abordés — la culpabilité, le deuil, la disparition, la mémoire fragmentée — sont traités avec une pudeur désarmante. On n’est pas dans le mélodrame, mais dans une émotion brute, sincère, qui étreint le cœur et ne le lâche plus. Sur le plan esthétique, Until Then est un chef-d’œuvre d’équilibre. Le pixel art, en apparence modeste, s’avère d’une richesse insoupçonnée. Chaque décor est pensé, habité, évocateur. On traverse des salles de classe, des rues urbaines sous la pluie, des chambres désordonnées, des cybercafés d’un autre temps — et chaque lieu raconte quelque chose du personnage, de son état d’âme, de son monde. La lumière, les couleurs, les angles de caméra en 2.5D sont utilisés avec une intelligence visuelle remarquable. Et que dire de la musique ? La bande-son, délicate, souvent minimaliste, crée un écrin sonore parfaitement accordé au ton du jeu. Elle sait se taire quand il le faut, pour laisser la place aux bruits du monde : le ronron d’un ventilateur, le frottement d’un stylo, le tintement d’une notification. Tout cela participe à une immersion sensorielle totale. L’univers du jeu ne se regarde pas, il se respire.
Une expérience radicale, parfois déroutante, mais toujours sincère
Until Then prend des risques, et il faut lui en savoir gré. Son gameplay est minimaliste, presque effacé. Il ne propose pas de défis classiques, ni de récompenses mécaniques. Il exige du joueur une posture inhabituelle : l’attention, la patience, la réceptivité. Ce choix assumé pourra désorienter, voire ennuyer certains, mais il fait partie intégrante de la proposition artistique. Le rythme lent, contemplatif, n’est pas un défaut : il est le miroir du sujet traité. Le temps suspendu, la routine, l’étrangeté du quotidien — tout cela ne peut se raconter que dans une lenteur assumée. Même lorsque le récit bascule dans une dimension plus onirique, plus instable, le jeu garde son cap : celui de la sincérité. Cette partie pourra dérouter par sa structure plus floue, mais elle reflète l’effondrement intérieur du protagoniste. C’est une descente dans les méandres de la mémoire et du trauma, avec tout ce que cela comporte de confusion et de douleur.
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Les plus Les moins
Points positifs
- Une narration exceptionnelle, sincère et maîtrisée
- Des personnages crédibles, profonds, émouvants
- Une direction artistique fine, poétique, immersive
- Une bande-son bouleversante, en parfaite harmonie avec l’atmosphère
- Une approche du jeu vidéo audacieuse, rare et précieuse
Points négatifs
- Un rythme très lent qui rebutera certains
- Une seconde moitié plus confuse, parfois abstraite
- Une interactivité minimale, plus proche du roman interactif que du jeu traditionnel
En conclusion
Until Then n’est pas parfait, mais il touche à quelque chose de rare et d’essentiel. Il ne cherche pas à séduire, mais à dire. À raconter une histoire qui pourrait être la nôtre, à faire sentir l’importance des souvenirs, des absents, des liens qu’on croyait effacés. Il ne joue pas sur le spectaculaire, mais sur le sensible. C’est un jeu qui demande à être vécu avec le cœur ouvert, prêt à accueillir l’ordinaire, le flou, l’inconfort — pour en extraire une beauté inattendue. Peu d’œuvres, dans le jeu vidéo ou ailleurs, parviennent à capturer avec autant de justesse la fragilité de l’existence et la puissance du souvenir. Until Then fait partie de celles-là. Un bijou narratif, à ne surtout pas manquer.
Testé par Marine Brémond (Beatja)
"Passionnée de rétrogaming, je navigue entre la Mega Drive, la Dreamcast et la PlayStation première du nom tout en me préparant à explorer l'univers Xbox. Passionnée d'illustration et de dessins, j'y passe le plus clair de mon temps."