Une Légende Réveillée
Quand une saga culte comme Simon the Sorcerer revient sur le devant de la scène après plusieurs décennies de silence, la promesse est forte, l’attente l’est encore plus. Simon the Sorcerer Origins se présente non pas comme une suite directe, mais comme un préquel destiné à raconter les débuts du célèbre apprenti sorcier sarcastique, celui-là même qui avait marqué les joueurs dans les années 90 avec son humour ravageur, son attitude de sale gosse et ses aventures improbables dans un univers de fantasy aussi délirant que référencé. En reprenant les rênes de la franchise, le studio Smallthing Studios avait donc une double mission : respecter l’esprit original tout en modernisant l’ensemble pour un public d’aujourd’hui. Une entreprise complexe, tant l’équilibre entre nostalgie et innovation est difficile à maintenir sans trahir ni stagner. Ce nouvel opus tient-il ses promesses ? Offre-t-il une aventure digne de la réputation de son prédécesseur ? C’est ce que ce test se propose d’analyser en profondeur.
Un univers soigné, riche mais moins mordant
Le premier point qui saute aux yeux dès les premières minutes de jeu, c’est le soin apporté à l’univers graphique. Simon the Sorcerer Origins déploie une direction artistique de grande qualité, qui réussit à évoquer l’ancienne école du pixel art tout en adoptant un style plus moderne, entre cartoon numérique et livre d’illustration interactif. Les décors sont foisonnants de détails, les animations fluides, et les jeux de lumière viennent souligner certaines ambiances plus sombres ou mystérieuses avec élégance. Les personnages secondaires, bien que parfois stéréotypés, sont visuellement marquants et globalement bien doublés. Le monde magique regorge de lieux intéressants à explorer, du village des gobelins aux couloirs labyrinthiques de l’école de magie, en passant par des forêts ensorcelées et des tavernes peuplées de créatures fantasques. Toutefois, malgré ce tableau engageant, une sensation persiste : celle que quelque chose manque. L’univers semble parfois trop sage, comme lissé. L’humour acide, les vannes cassantes et l’irrévérence qui faisaient la force du premier jeu ont perdu en intensité. Le ton général reste amusant, mais rarement grinçant ou provocant. Cette perte de mordant affadit l’expérience, surtout pour ceux qui espéraient retrouver le Simon impertinent d’autrefois. Sur le plan du gameplay, le jeu mise clairement sur la nostalgie du point-and-click classique, mais cherche à simplifier et fluidifier la formule pour ne pas rebuter les nouveaux venus. Le résultat est un système d’interactions très accessible, presque trop. Les objets cliquables sont toujours signalés, les énigmes se résolvent souvent en quelques clics, et les dialogues offrent rarement des ramifications complexes. Cela permet une progression fluide, mais prive aussi le joueur du sentiment de réelle découverte ou de satisfaction intellectuelle que procuraient les énigmes tordues et les dialogues à choix multiples des anciens titres. Certaines mécaniques plus récentes viennent heureusement rafraîchir l’expérience : la possibilité de lancer des sorts à des moments clés pour altérer l’environnement ou influencer des personnages apporte une touche bienvenue de dynamisme, même si elle reste sous-exploitée. D’un point de vue ergonomique, l’interface est bien pensée, mais trop dépouillée. Il manque ce petit supplément d’âme dans les interactions, cette liberté parfois absurde qui caractérisait les classiques du genre. Là où le gameplay aurait pu devenir un terrain d’expérimentation, il reste enfermé dans un confort fonctionnel, trop prudent pour surprendre, pas assez profond pour captiver sur la durée.
Une narration tiraillée entre passé et ambition
Le choix de faire de ce jeu un préquel à la série place naturellement l’accent sur la narration. Il s’agit ici de raconter les débuts de Simon, comment il a découvert la magie, ce qui l’a amené à se retrouver dans ce monde fantastique, et quels événements ont façonné son tempérament. L’idée est pertinente, car elle permet d’explorer un pan encore inexploré du personnage. Le jeu adopte d’ailleurs un ton légèrement plus sérieux à certains moments, tentant de développer une dimension plus émotionnelle, voire introspective. Simon n’est plus seulement un adolescent impertinent balancé dans un monde absurde : il devient un personnage en devenir, qui doute, qui cherche sa place, et qui interagit avec un entourage plus étoffé que par le passé. Cela dit, cette approche plus mature entre parfois en conflit avec les attentes des fans. Le ton hésite, oscille sans cesse entre comédie légère et drame initiatique, sans réussir à pleinement embrasser l’un ou l’autre. Ce manque de cohérence affecte l’immersion, et certains arcs narratifs peinent à trouver leur conclusion ou leur justification. Le rythme est également inégal : le jeu démarre bien, s’essouffle au milieu avec des quêtes secondaires peu inspirées, avant de retrouver un peu de souffle dans sa dernière ligne droite. La volonté de raconter quelque chose de plus ambitieux est là, mais l’exécution manque encore de maîtrise.
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Les plus Les moins
Points positifs
- Direction artistique superbe, fidèle et colorée
- Retour d’un univers culte avec une vraie attention au détail
- Quelques personnages secondaires attachants
- Tentative de narration plus mature, avec une construction du personnage de Simon plus poussée
- Interface intuitive et prise en main immédiate
Points négatifs
- Énigmes trop simples, interactions limitées
- Humour moins tranchant, dialogues parfois fades
- Rythme inégal avec un milieu de jeu poussif
- Ton hésitant entre humour et sérieux, narration déséquilibrée
- Potentiel des nouvelles mécaniques (sorts, interactions contextuelles) peu exploité
En conclusion
Simon the Sorcerer Origins est un jeu sincère, clairement animé par une volonté de bien faire. Il coche plusieurs cases importantes : respect du matériau d’origine, modernisation graphique, prise de risque narrative. Mais il semble constamment freiné par une forme de retenue. Ni totalement nostalgique, ni pleinement innovant, il reste coincé dans un entre-deux frustrant. Le manque de profondeur dans le gameplay, l’humour moins corrosif, la narration inégale : tout cela empêche le jeu d’atteindre l’envergure qu’il ambitionne. Pourtant, le potentiel est là. L’univers a encore beaucoup à offrir, les personnages secondaires pourraient gagner en épaisseur, les mécaniques de sorts pourraient être développées, et l’humour retrouver son mordant d’origine. Ce n’est donc pas un échec, mais une première pierre, une base à affiner. Un épisode qui pourrait devenir le point de départ d’un vrai renouveau, pour peu que les suites soient plus audacieuses, plus tranchantes, plus assumées.
Testé par Anthony TAELMAN (Tùni)
"Joueur depuis ma plus tendre enfance, j'ai pris la première claque de ma vie en 1996 avec Resident Evil. Créateur en 2012 de CN Play, et toujours à sa tête, mon expérience de nombreuses années dans le domaine du jeu vidéo est maintenant au service de ma talentueuse équipe."