Une relique ressuscitée

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Dans l’ombre des mastodontes de la série Shin Megami Tensei, certains titres ont traversé les années comme des secrets bien gardés. C’est le cas de RAIDOU Kuzunoha vs. The Soulless Army, sorti initialement sur PlayStation 2 en 2006. Aujourd’hui, il revient dans une version remasterisée baptisée simplement RAIDOU Remastered : The Mystery of the Soulless Army. À une époque où les remakes et les remasters sont monnaie courante, la résurrection de cet épisode a de quoi intriguer. Moins connu que les épisodes numérotés de la saga ou les spin-offs comme Persona, ce titre misait sur un mélange d’action-RPG en temps réel, d’investigation surnaturelle et de folklore japonais dans un Japon alternatif des années 1920. Loin des sentiers battus, le jeu reposait sur une ambiance travaillée et des mécaniques expérimentales. Cette version remasterisée réussit-elle à réconcilier les ambitions originales avec les standards de jeu actuels ? C’est ce que cette critique propose d’explorer en profondeur.

Un Japon occulte entre tradition et dystopie

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L’atmosphère est sans conteste l’atout le plus marquant de RAIDOU Remastered. Le joueur est plongé dans un Japon alternatif de l’ère Taisho, où la modernité naissante se mêle à des croyances ancestrales. Ici, les tramways côtoient les esprits, les kimonos croisent les uniformes militaires, et les ruelles pavées sont hantées par des entités invisibles au commun des mortels. Le jeu excelle dans sa représentation d’un monde crépusculaire, à la croisée du réalisme historique et du fantastique occulte. La remasterisation, sans trahir l’identité visuelle d’origine, apporte une netteté appréciable, une colorimétrie retravaillée, et un éclairage plus subtil qui accentue les contrastes entre lumière et ténèbres. Les musiques, oscillant entre jazz enfumé, marches militaires et compositions sinistres à base de chœurs synthétiques, participent pleinement à cette immersion. Chaque quartier, chaque lieu visité semble imprégné d’une histoire, d’un drame latent. C’est une œuvre qui respire l’intention artistique, même dans ses silences. Là où beaucoup de jeux récents semblent lisses et calibrés, RAIDOU ose l’étrangeté. On peut lui reprocher un certain statisme dans ses environnements ou des PNJ peu animés, mais cela s’efface rapidement devant la cohérence de l’ensemble. Ce Japon fantasmé est vivant, inquiétant, et surtout unique. Le gameplay de RAIDOU Remastered constitue à la fois son originalité et son talon d’Achille. Exit le tour par tour classique des autres Megami Tensei, ici les combats se déroulent en temps réel dans des arènes fermées. Le joueur contrôle Raidou directement, peut attaquer, esquiver, mais surtout invoquer un ou deux démons alliés pour l’assister. Chaque démon possède des compétences spécifiques, des résistances élémentaires, et peut interagir différemment avec les ennemis. La mécanique centrale repose sur la capture des démons à l’aide de tubes spéciaux, leur fusion dans le laboratoire de Victor, et leur déploiement stratégique en combat ou dans les phases d’enquête. En théorie, le système est riche, presque révolutionnaire pour l’époque. En pratique, malgré les ajustements de la remasterisation (notamment une interface légèrement simplifiée, une meilleure gestion de l’invocation/désinvocation et une baisse du taux de rencontres), le jeu trahit son âge. Les coups manquent de fluidité, les combats deviennent répétitifs sur la durée, et la difficulté varie de façon erratique. Le positionnement des démons, leur IA parfois douteuse, et l’imprécision de certaines hitboxes peuvent frustrer. Pourtant, l’ensemble reste captivant grâce à la variété des ennemis, à la nécessité d’expérimenter constamment avec les invocations, et à ce plaisir presque alchimique de découvrir les bonnes combinaisons.

Une narration à l’ancienne, mais pleine de charme

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En parallèle de l’action, le jeu offre une véritable enquête surnaturelle. En tant que Raidou Kuzunoha, détective et exorciste officiel au service du clan Yatagarasu, le joueur doit élucider une conspiration complexe impliquant enlèvements, science occulte, trahisons militaires et manipulations démoniaques. L’histoire s’ouvre sur une affaire apparemment simple qui dégénère en une vaste machination impliquant une armée de soldats sans âmes, des savants fous, et des figures mythologiques sorties du panthéon shinto. L'écriture est soignée, avec des dialogues souvent justes, un ton sérieux mais jamais pesant, et une progression constante dans le mystère. Cependant, le récit souffre d’une structure rigide. Les choix sont rares, l’illusion d’enquête est parfois limitée à suivre un script précis, et certaines phases de progression peuvent sembler laborieuses. L’exploration, bien que récompensée par des objets ou des informations de lore, est freinée par la linéarité du scénario principal. Malgré cela, les personnages secondaires, comme Gouto (le chat parlant compagnon de Raidou), injectent humour et recul dans une aventure autrement très sombre. La montée en tension narrative est bien dosée, et certaines séquences de fin surprennent par leur audace scénaristique et leur charge émotionnelle inattendue. Ce n’est pas une histoire qu’on oublie vite.

Galerie Photos

Vidéo

Les plus Les moins

Points positifs

  • Univers visuel et sonore d’une rare personnalité
  • Ambiance steampunk-occultiste immersive
  • Système de fusion et de capture de démons toujours aussi addictif
  • Scénario riche, mature, et bien rythmé
  • Fidélité respectueuse de la remastérisation

Points négatifs

  • Système de combat parfois frustrant et rigide
  • IA alliée peu fiable
  • Linéarité narrative marquée
  • Animations et interface datées malgré les efforts
  • Absence de doublage pour les dialogues clés

En conclusion

8
RAIDOU Remastered : The Mystery of the Soulless Army n’est pas un jeu pour tout le monde. Il ne cherche pas à plaire à la masse ni à séduire par une surenchère technique. C’est un titre de niche, ancré dans une époque où le risque créatif avait encore sa place, et où la technique n’écrasait pas l’originalité. Cette remasterisation n’efface pas les rides, mais elle les assume et les encadre avec soin. Le jeu garde ses maladresses d’antan, mais les enveloppe d’un respect et d’une intention qui forcent l’admiration. Pour qui sait apprécier les jeux à atmosphère, les récits obscurs et les mécaniques atypiques, c’est une œuvre à (re)découvrir absolument.

Testé par Anthony TAELMAN (Tùni)

Tùni
"Joueur depuis ma plus tendre enfance, j'ai pris la première claque de ma vie en 1996 avec Resident Evil. Créateur en 2012 de CN Play, et toujours à sa tête, mon expérience de nombreuses années dans le domaine du jeu vidéo est maintenant au service de ma talentueuse équipe."
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