L’Ombre d’un Retour Titanesque
Dans un paysage où les jeux d'action peinent parfois à se renouveler sans se trahir, Ninja Gaiden : RageBound surgit tel un shuriken lancé en pleine tempête. Ce nouvel opus, attendu comme le messie par les fans de la licence, ne se contente pas de raviver la flamme d’une saga légendaire. Il la dévore, la digère et la recrachant dans un cri barbelé, flamboyant et contemporain. À travers une maîtrise technique sidérante, une esthétique déchirée entre le néon et le sang, et une brutalité d'une rare finesse, RageBound propose une expérience qui ne raconte pas une histoire : elle l'impose.
Une Mécanique Aiguisée comme la Mort
Tout repose sur la maniabilité chirurgicale du gameplay. Les commandes répondent au doigt et à l’œil, sans latence, sans graisse. L’impact des coups résonne comme un tambour de guerre, chaque esquive est une danse nerveuse entre le fil du rasoir et l’éclat d’une contre-attaque foudroyante. La difficulté, loin d'être punitive, devient un rite initiatique : elle épure le joueur, le pousse à transcender ses réflexes. Là où d’autres titres se contentent de l’illusion du dynamisme, RageBound exige la virtuosité. Chaque duel devient un combat d’ego, un affrontement entre une volonté et une machine à tuer. On n’y joue pas : on y survit. Graphiquement, le jeu est un uppercut visuel. Le monde mêle le désordre dystopique à une pureté martiale presque mystique. Des ruelles cyberpunk saturées de LED, des temples perchés dans la brume électrique, des couloirs de sang à la lueur des flammes : RageBound ne décrit pas un monde, il le griffe dans la rétine. Les ennemis, grotesques et stylisés, participent de cette vision organique et brutale. Chaque boss semble issu d'un cauchemar rédigé à l’encre noire et rouge. L’ensemble est soutenu par une bande-son tellurique, mêlant nappes industrielles et percussions tribales, qui martèle le cœur au même rythme que les lames tranchent.
Dualité, Destin et Fusion Infernale
Le récit de RageBound prend place durant une période de vide : Ryu Hayabusa est absent, parti régler une mission secrète à l’étranger. Profitant de cette faille, une force démoniaque attaque le village Hayabusa, ne laissant derrière elle que ruine et désolation. Le protagoniste, Kenji Mozu, élève direct de Ryu, se retrouve seul survivant, contraint de se battre contre des ennemis bien supérieurs à lui.
Alors qu’il tente de survivre, il croise Kumori, kunoichi du clan Araignées noires, supposée être son ennemie naturelle. Mais un ancien artefact déclenche une fusion inattendue entre leurs âmes, liant leurs destins dans une union mystique. Ce lien permet d’alterner entre leurs compétences : Kenji excelle au sabre, au corps-à-corps et aux esquives, tandis que Kumori manie les kunai, se téléporte et accède à des zones invisibles aux yeux des humains.
Leur quête est double : repousser les hordes démoniaques et découvrir la cause profonde de l’éveil de cette menace. Chaque niveau révèle des pans d’un complot oublié, mêlant trahisons anciennes, rituels occultes, et manipulation des frontières entre les mondes. La narration reste épurée mais riche en ambiance : ruines hantées, villages consumés, temples inversés, chaque décor raconte un drame silencieux.
Cette relation forcée entre deux êtres opposés crée une dynamique électrique : affrontements verbaux, coopération contrainte, puis respect mutuel. L’évolution des protagonistes est au cœur de l’intrigue, et même si le jeu reste direct dans sa structure, il laisse entrevoir une mythologie plus vaste, promise à d’éventuelles suites. RageBound ne perd jamais le joueur dans un open world déroutant ou des embranchements inutiles. Il trace une ligne droite vers l’abîme, chaque niveau étant une métaphore d’une descente vers l’éveil guerrier. La montée en puissance est palpable : on passe d’un tueur nerveux à une entité presque divine, manière de dire que la maîtrise est une ascension spirituelle. Les nouvelles capacités ne sont pas de simples gadgets mais de véritables extensions de la volonté du joueur. Peu de titres réussissent cette alchimie : faire de l’évolution une conséquence directe du dépassement de soi.
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Les plus Les moins
Points positifs
- Combats rapides, précis, sans compromis
- Univers stylisé, cohérent et percutant
- Montée en puissance palpable et gratifiante
- Gameplay absolument jouissif et précis comme peu de jeux savent encore le faire
- Bande son qui nous tient toujours en haleine
Points négatifs
- Scénario trop allusif, peu engageant
- La difficulté rebutera les plus douillets dès le premier niveau
En conclusion
Ninja Gaiden: RageBound n'est pas un jeu d'action comme les autres. C'est une porte d'entrée vers une épreuve, une ascèse numérique qui repousse les limites de la persévérance. Il s'adresse à une caste particulière de joueurs : les obsessifs, les acharnés, les silencieux qui, dans un effort solitaire et douloureux, avancent vers une illumination digitale durement gagnée. Ici, le divertissement n'est pas la finalité, mais l'outil d'une transformation.
Le jeu n'est pas un simple divertissement passager, c'est une discipline. Chaque affrontement est une leçon, chaque défaite un rappel brutal de son manque de préparation. C'est un art où chaque mouvement compte, où la maîtrise des combos, le timing des esquives et la lecture des attaques ennemies deviennent un langage à part entière. On ne se contente pas de jouer, on apprend, on répète, on s'améliore, comme un moine s'exerçant à son art martial.
Testé par Anthony TAELMAN (Tùni)
"Joueur depuis ma plus tendre enfance, j'ai pris la première claque de ma vie en 1996 avec Resident Evil. Créateur en 2012 de CN Play, et toujours à sa tête, mon expérience de nombreuses années dans le domaine du jeu vidéo est maintenant au service de ma talentueuse équipe."