Le retour d’un géant discret de l’arcade

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L’histoire du jeu vidéo regorge de noms légendaires. Certains, comme Capcom ou Konami, ont su traverser les générations avec brio. D'autres, comme Irem, sont restés dans l’ombre malgré une contribution fondatrice au médium. Pionnier des années 80 et 90, Irem a marqué les salles d’arcade avec des titres exigeants, souvent injustement oubliés hors du Japon. C’est dans cette optique de préservation et de revalorisation que naît la Irem Collection, dont ce Volume 2 propose une sélection de trois jeux emblématiques du studio : GunForce, GunForce II et Air Duel. L’intention est claire : ressusciter un pan du patrimoine vidéoludique, dans un format accessible sur les consoles modernes, tout en respectant la forme originale. Mais cette ambition suffit-elle à faire vibrer la fibre rétro en 2025 ? La réponse se trouve dans les détails.

Une sélection hétérogène : trois visages d’Irem

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Le choix des jeux réunis dans ce volume laisse entrevoir une volonté de diversité dans le gameplay, tout en mettant en lumière une certaine continuité artistique. GunForce (1991) et GunForce II (1994) s’inscrivent dans la tradition du run & gun, genre phare de l’arcade japonaise des années 90. Le premier, bien qu’il affiche des mécaniques rudimentaires et une animation raide, conserve une certaine valeur documentaire. Il s’agit d’un précurseur direct de ce que deviendra plus tard Metal Slug, avec ses tanks pilotables, ses doubles armes et ses sauvetages de prisonniers. Toutefois, le gameplay est ici bien plus rigide, les hitboxes peu lisibles, et le level design parfois frustrant. En comparaison, GunForce II brille nettement plus : animations fluides, visuels détaillés, musique entraînante, et une action plus frénétique. Le jeu témoigne d’une maîtrise technique impressionnante, surtout lorsqu’on sait qu’il fut l’un des derniers titres de l’arcade Irem avant la migration de l’équipe vers Nazca Corporation. À côté de ces deux run & gun explosifs, Air Duel (1990) offre une incursion dans le shoot 'em up vertical, un genre que le studio maîtrisait déjà avec R-Type. Ici, l’originalité réside dans le choix entre deux véhicules : un avion à tir droit ou un hélicoptère à tir orientable. Ce dualisme change radicalement l’approche du gameplay, notamment dans la gestion des patterns ennemis. Bien que moins connu que d’autres shmups contemporains, Air Duel reste solide, avec une ambiance sonore sombre et un design industriel soigné. Sa difficulté, toutefois, est sans concession : le moindre faux pas coûte cher, et la boucle de gameplay peut paraître répétitive sans mode d’assistance ou options de modernisation. Sur le plan technique, l’émulation est de très bonne qualité. Les jeux tournent de façon fluide, sans latence perceptible, et les filtres CRT ajoutent un charme rétro appréciable sans dénaturer l’image. Il est possible de redéfinir les contrôles, de choisir entre plusieurs résolutions d’affichage, et de sauvegarder à tout moment via des save states. Ces fonctions rendent l’expérience plus accessible sans la trahir. Cependant, la présentation générale de la compilation déçoit. L’interface se limite à un simple menu de sélection, sans habillage particulier ni effort d’introduction. Aucun contenu bonus ne vient enrichir la collection : pas d’artworks, pas de galeries, pas de musiques en libre écoute, pas de documents d’archives ou d’explications sur le contexte de sortie des jeux. L’ensemble donne une impression de produit brut, pensé uniquement pour l’aspect fonctionnel. Ce manque de mise en valeur est d’autant plus regrettable que le matériau de base possède une vraie valeur historique. GunForce II, notamment, mériterait un traitement à la hauteur de son importance dans l’évolution du run & gun. À l’heure où d’autres collections multiplient les contenus bonus (comme les compilations Cowabunga Collection ou Atari 50), l’absence de tout supplément ici crée un sentiment d’inachevé. On aurait aimé des interviews d’anciens développeurs, des commentaires audio, des scans de flyers d’époque, ou même des anecdotes sur le développement. Le strict minimum a été fait pour rendre les jeux jouables — et ils le sont admirablement — mais cela ne suffit pas à créer une vraie expérience de collection.

Un hommage pour initiés plus que pour néophytes

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Irem Collection Volume 2 s’adresse à un public spécifique, principalement des passionnés de retrogaming et des joueurs avertis. La difficulté reste fidèle aux standards de l’arcade, sans pitié : pas de niveau de difficulté ajustable, pas de rewind, pas de tutoriels. Même avec les sauvegardes instantanées, les jeux demandent une rigueur que peu de productions modernes exigent encore. Cela en fait un objet de fascination pour les joueurs chevronnés, mais un obstacle pour les autres. Les néophytes risquent d’abandonner rapidement face à la difficulté brutale et à l’interface désuète. Pour les connaisseurs, en revanche, la compilation offre une plongée fascinante dans une époque où chaque crédit comptait. GunForce II impressionne par son rythme et ses animations, Air Duel reste une belle curiosité pour les amateurs de shmups verticaux, et même GunForce conserve un certain charme désuet. Mais il faut être prêt à tolérer l’absence d’accompagnement éditorial, et à voir ces jeux pour ce qu’ils sont : des vestiges d’une époque où la moindre erreur coûtait la partie.

Galerie Photos

Vidéo

Les plus Les moins

Points positifs

  • Excellente qualité d’émulation
  • GunForce II, joyau méconnu du run & gun
  • Présence de titres rares, difficiles à trouver légalement
  • Save states bien intégrés pour amortir la difficulté
  • Choix de filtres et options vidéo appréciables

Points négatifs

  • Aucun contenu éditorial ou historique
  • Interface dépouillée, sans effort de présentation
  • Difficulté brutale sans option de modernisation
  • GunForce vieillit mal et paraît obsolète
  • Absence totale de musiques ou bonus à débloquer

En conclusion

7
Irem Collection Volume 2 est une capsule temporelle fidèle, mais muette. Elle renferme des jeux importants, parfois brillants, toujours exigeants, mais ne prend pas le soin de raconter leur histoire. Le travail d’émulation est sérieux, la sélection pertinente, mais l’absence d’effort de contextualisation ou de valorisation empêche la collection de briller autant qu’elle le devrait. Ce deuxième volume ne trahit pas les jeux d’origine, mais il échoue à les sublimer. Pour les amateurs de retrogaming pur et dur, c’est un bel ajout à une ludothèque. Pour les autres, ce sera sans doute une relique obscure, difficile à apprécier sans la clef de lecture qu’aurait dû offrir une vraie démarche éditoriale.

Testé par Anthony TAELMAN (Tùni)

Tùni
"Joueur depuis ma plus tendre enfance, j'ai pris la première claque de ma vie en 1996 avec Resident Evil. Créateur en 2012 de CN Play, et toujours à sa tête, mon expérience de nombreuses années dans le domaine du jeu vidéo est maintenant au service de ma talentueuse équipe."
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