Quand le passé s’invite sur les consoles modernes

assets/images/tests/irem-collection-volume-1/irem-collection-volume-1_p1.jpg
Dans un paysage vidéoludique saturé de remakes tièdes et de compilations bâclées, Irem Collection Volume 1 éditée par ININ Games attire l’attention par sa proposition audacieuse : exhumer trois shoot’em up exigeants issus de l’âge d’or de l’arcade japonaise. Irem, studio mythique mais souvent éclipsé par d’autres géants de l’époque, a pourtant posé les bases d’un style radical, mécanique, implacable. Cette première compilation remet en lumière Image Fight, Image Fight II et X Multiply, trois titres dont l’aura reste forte auprès des puristes, mais qui n’avaient jamais été réunis ni remis au goût du jour avec autant de soin. Le pari est clair : offrir un accès respectueux à un pan fondateur du shoot’em up, tout en le rendant jouable — sinon accessible — aux joueurs contemporains. Une mission délicate, qui mêle préservation, modernisation et fidélité.

Une sélection pointue pour amateurs de challenge

assets/images/tests/irem-collection-volume-1/irem-collection-volume-1_p2.jpg
Le cœur de cette collection repose sur un triptyque de jeux farouchement old-school. Image Fight, sorti en 1988, ouvre le bal avec un concept intéressant : un test militaire en guise de prologue, avant d’enchaîner avec les vraies missions, bien plus brutales. Le joueur contrôle un vaisseau dont la vitesse peut être réglée manuellement, ce qui impose un sens du timing très précis. Le gameplay repose sur une gestion des "pods", des modules d’attaque latéraux, une mécanique qui sera reprise et perfectionnée dans R-Type. Image Fight II, resté longtemps exclusif au Japon sur PC Engine CD, est une vraie curiosité. Plus scénarisé, plus fluide, il pousse plus loin les bases posées par son aîné sans en trahir l’esprit. Sa bande-son CD ajoute une touche d’immersion supplémentaire, et ses graphismes, bien que datés, sont riches en détails. Enfin, X Multiply vient conclure cette sélection avec une proposition visuelle radicalement différente : le joueur pénètre dans le corps humain pour y affronter des parasites, dans un univers biomécanique digne de Giger. Les tentacules souples du vaisseau, contrôlés par l’inertie et non directement, ajoutent une strate tactique fascinante. C’est le plus spectaculaire des trois, et probablement le plus accessible. Sur le plan de la présentation, Irem Collection Volume 1 joue la carte de la sobriété. ININ Games livre une interface épurée, presque austère, qui va à l’essentiel : choix du jeu, options d’affichage, configuration des touches, sauvegardes rapides et fonction "rewind". C’est efficace, mais peu engageant. Aucune galerie d’artwork, aucun making-of, aucun livret digital n’accompagnent les titres. Pas de commentaires de développeurs, pas de chronologie ou de documents d’archives. Ce manque de mise en contexte affaiblit le projet, surtout pour une collection qui s’adresse en priorité à des passionnés d’histoire vidéoludique. Cela dit, la qualité de l’émulation est irréprochable : fluidité parfaite, options d’affichage variées (scanlines, fond d’écran, pixel perfect, etc.), et une compatibilité totale sur les plateformes modernes. Le tout tourne impeccablement, même sur Nintendo Switch, sans ralentissement ni bug notable. Mais on sent que le budget a été serré du côté des extras, ce qui donne à l’ensemble une impression de "portage propre" plutôt qu’un véritable hommage en grande pompe.

Un gameplay qui ne fait aucune concession

assets/images/tests/irem-collection-volume-1/irem-collection-volume-1_p3.jpg
Les trois jeux inclus dans cette compilation partagent une philosophie commune : apprendre par l’échec. Pas de tutoriel, pas de prise en main douce. Chaque erreur se paie cash, et seule la mémoire musculaire permettra de progresser. Les amateurs de die & retry seront ravis ; les autres risquent d’abandonner rapidement. Pourtant, derrière cette difficulté abrupte, se cache un vrai génie de conception. Chaque ennemi, chaque projectile, chaque décor a un rôle précis, pensé pour pousser le joueur à s’adapter. C’est surtout vrai pour Image Fight, où la gestion de la vitesse du vaisseau transforme chaque déplacement en décision stratégique. X Multiply, lui, joue plus sur la souplesse et la dynamique de l’espace, avec des environnements qui se resserrent, des ennemis qui surgissent de tous côtés, et des patterns organiques d’une fluidité surprenante pour l’époque. Ces jeux sont durs, mais jamais injustes. Et la possibilité de "rewinder" quelques secondes ou de sauvegarder à tout moment permet de les appréhender comme des puzzles à démonter pièce par pièce. En revanche, l’absence totale de mode deux joueurs, même local, est regrettable. Certains titres se seraient prêtés à un mode coopératif ou à un leaderboard en ligne, ce qui aurait renforcé la rejouabilité. Là, l’expérience reste strictement solo et linéaire.

Galerie Photos

Vidéo

Les plus Les moins

Points positifs

  • Trois classiques du shoot’em up réunis pour la première fois
  • Qualité d’émulation excellente
  • Présence rare et localisée d’Image Fight II
  • Design des niveaux toujours aussi intelligent
  • Fonctionnalités modernes utiles

Points négatifs

  • Interface fade, sans contenu historique ou bonus
  • Aucun mode coopératif ou en ligne
  • Difficulté extrême qui rebutera la majorité des joueurs
  • Pas de traduction des manuels originaux ou de guide de jeu

En conclusion

8
Irem Collection Volume 1 n’est pas une compilation grand public. Elle ne cherche pas à séduire par la nostalgie facile ou par des artifices modernes. Elle propose une immersion directe dans l’âge d’or de l’arcade, sans filtre ni compromis. Pour qui s’intéresse à l’évolution du shoot’em up, à l’inventivité des années 80, et à la rigueur de l’école Irem, c’est un objet presque indispensable. Mais son manque de contenu éditorial, son interface minimaliste et sa difficulté sans concession le réservent à une frange bien précise de joueurs. Cela étant dit, le soin apporté aux portages, la sélection cohérente des titres et la présence rare de Image Fight II en version traduite justifient pleinement l’intérêt de cette collection. Reste à espérer que les volumes suivants corrigeront les lacunes constatées ici, en proposant des ajouts historiques, des interviews, voire des contenus bonus inédits. ININ Games a entre les mains un héritage précieux ; à eux de continuer à le traiter avec respect, mais aussi avec ambition.

Testé par Anthony TAELMAN (Tùni)

Tùni
"Joueur depuis ma plus tendre enfance, j'ai pris la première claque de ma vie en 1996 avec Resident Evil. Créateur en 2012 de CN Play, et toujours à sa tête, mon expérience de nombreuses années dans le domaine du jeu vidéo est maintenant au service de ma talentueuse équipe."
Partager le test