Hell is Us est un projet à part dans le paysage vidéoludique actuel. Publié par Nacon qui monte en puissance ces dernières années, ce titre vient bouleverser les attentes en livrant une expérience aussi radicale qu’aboutie. Contrairement à de nombreux jeux d’action modernes qui empilent mécaniques et artifices pour séduire le plus grand nombre, Hell is Us opte pour une approche resserrée, presque minimaliste, où chaque élément sert l’immersion et le ressenti. Dès les premières minutes, le joueur est happé par une atmosphère lourde, inquiétante, où la beauté des paysages se heurte à l’horreur de l’inconnu. C’est cette dualité qui structure tout le jeu et qui en fait bien plus qu’un simple divertissement : un voyage sensoriel, brutal et marquant.

Le premier choc vient de la direction artistique. Hell is Us déploie un univers où chaque lieu a une identité forte et où rien n’est laissé au hasard. Les décors ne sont pas de simples fonds esthétiques, mais de véritables témoins silencieux d’une histoire brisée. Les plaines verdoyantes contrastent avec des zones ravagées par des anomalies inquiétantes, où la nature semble déformée par une présence malsaine. L’architecture en ruine, les villages abandonnés et les paysages corrompus composent une fresque visuelle qui stimule la curiosité et pousse à explorer pour comprendre ce qui a pu arriver à ce monde. Le plus impressionnant reste la cohérence de l’ensemble. L’univers ne se contente pas d’être beau : il est crédible. Le joueur ressent une véritable logique interne, comme si les lieux avaient une mémoire propre. Pas de quêtes secondaires artificielles ou d’icônes saturant la carte : l’envie de progression naît de l’observation, des indices visuels et du besoin de donner du sens aux fragments de récit disséminés dans l’environnement. Cette liberté, rare dans un titre de ce calibre, donne à Hell is Us une identité marquée qui tranche avec la standardisation du marché. Le cœur de Hell is Us repose sur un gameplay volontairement exigeant. Les combats sont construits autour d’un système précis et impitoyable : pas d’excès de coups spéciaux, pas de combos interminables, mais un affrontement brut, basé sur le timing et la lecture de l’adversaire. Chaque combat est un test, où la moindre erreur se paye cher. L’équipement limité renforce cette tension, obligeant à réfléchir à la manière d’aborder chaque rencontre. Cette rareté des ressources empêche le confort et entretient une atmosphère d’urgence constante. L’exploration, elle aussi, s’inscrit dans cette logique de sobriété assumée. Pas de mini-carte hyper détaillée, pas d’objectifs clignotants : le jeu incite à lever les yeux, à observer et à retenir les repères. Cette absence d’assistanat peut déconcerter au début, mais elle devient rapidement l’une des plus grandes forces du titre. Chaque découverte, chaque chemin débloqué ou mystère résolu donne le sentiment d’une véritable conquête, et non d’une progression guidée par un GPS vidéoludique. Le joueur est responsabilisé, ce qui rend chaque réussite d’autant plus gratifiante.

Hell is Us se distingue aussi par sa manière de raconter son histoire. Ici, pas de longues cinématiques spectaculaires dictant le rythme, mais une narration indirecte, fragmentée, presque intime. Les informations arrivent au compte-gouttes, par des dialogues cryptiques, des environnements parlants et des documents épars. Le récit ne se livre pas immédiatement : il doit être reconstruit. Cela demande une attention particulière, mais le résultat est puissant, car il valorise l’implication du joueur. Le protagoniste principal reflète cette approche. Loin d’être un héros classique, il est vulnérable, tiraillé entre ses forces et ses faiblesses. Ses choix, souvent lourds de conséquences, renforcent la tension morale du récit. Plutôt que d’imposer une trajectoire narrative rigide, le jeu laisse planer une ambiguïté permanente. Ce choix scénaristique est audacieux : certains joueurs chercheront une histoire claire et immédiate, mais ceux qui acceptent la subtilité découvriront un récit bien plus marquant, qui continue de résonner après avoir posé la manette.

Hell is Us n’est pas seulement un bon jeu : c’est une véritable déclaration d’intention de la part de Nacon. Là où beaucoup d’éditeurs misent sur la sécurité et la reproduction de recettes éprouvées, ce titre ose une expérience radicale et pleinement assumée. Sa direction artistique envoûtante, son gameplay exigeant et sa narration fragmentée en font une œuvre singulière, qui ne cherche pas à plaire à tout le monde mais qui récompense ceux qui s’y abandonnent. Rarement un jeu n’aura su combiner autant de cohérence artistique et de profondeur mécanique. En plaçant l’exigence, l’immersion et la créativité au centre, Hell is Us s’impose comme une référence et s’imprime durablement dans la mémoire. Pour Nacon, c’est sans doute le plus grand succès éditorial à ce jour, et pour le joueur, une expérience unique qui prouve que le jeu vidéo peut encore surprendre.