Quand la nuit devient vivante

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Dans un paysage vidéoludique souvent dominé par la surenchère d’effets et de mécaniques, Gloomy Eyes se présente comme un souffle différent, une expérience à part. Ce n’est pas un jeu que l’on consomme, c’est une œuvre que l’on contemple, un conte qui se découvre à travers la lumière tamisée d’un univers où la mort et la poésie cohabitent. Dès les premières minutes, le joueur est happé dans un monde plongé dans l’obscurité, une obscurité qui n’a rien de terrifiant : elle respire, elle palpite, elle vit. L’histoire s’installe doucement, enveloppée d’une narration magnétique et d’une direction artistique qui semble peinte à la main. Gloomy Eyes est un objet rare : il refuse la facilité du spectaculaire pour privilégier la justesse, l’émotion, et cette mélancolie douce qui hante longtemps après le générique.

Une direction artistique d’une beauté presque tactile

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Ce qui frappe immédiatement dans Gloomy Eyes, c’est son esthétique. Chaque plan semble sculpté dans la lumière et la pénombre. Les personnages, mi-mignons, mi-spectraux, évoluent dans des décors miniatures qui rappellent les maquettes artisanales ou les films d’animation en stop-motion. L’œil ne sait plus où se poser tant le souci du détail est immense : les reflets, la brume, les éclats de couleurs qui percent la noirceur donnent l’impression de flotter dans un rêve éveillé. L’utilisation de la réalité virtuelle amplifie ce sentiment d’intimité. On n’est plus un simple spectateur : on se penche, on observe, on effleure presque ces décors qui semblent palpiter sous la surface. L’immersion est totale, sans interface, sans artifice. Le monde se déploie autour du joueur comme un livre pop-up gothique, dont chaque page raconte une émotion. Ce réalisme stylisé, cette poésie visuelle, confèrent au jeu une identité que peu d’œuvres peuvent revendiquer. Il n’y a pas une once de cynisme ou de calcul commercial dans cette direction artistique ; tout semble fait avec un soin amoureux, une volonté de créer quelque chose de sincère et intemporel. Au cœur de cette aventure, il y a une histoire. Celle d’un garçon nommé Gloomy, mort-vivant au cœur tendre, et d’une fille bien vivante qui voit encore la beauté dans la nuit. Leur relation impossible devient le fil rouge d’un récit à la fois mélancolique, drôle et poétique. Loin des dialogues convenus, Gloomy Eyes raconte par la voix d’un narrateur omniscient, chaleureux et mystérieux. Sa diction hypnotique, pleine d’humour et d’émotion, transforme chaque scène en fable. Ce n’est pas une narration plate : c’est une véritable performance orale, qui confère au jeu un rythme et une personnalité singulière. Le scénario, bien que succinct, évite la naïveté. Il parle d’exclusion, d’espoir et de la peur du changement avec une douceur rare. Le monde de Gloomy Eyes est un miroir déformé du nôtre, où la lumière est bannie, où l’humanité s’est refermée sur elle-même. Mais derrière cette noirceur se cache une note d’espoir : celle que même dans les ténèbres les plus épaisses, un regard ou un geste peuvent rallumer une flamme. L’émotion naît de cette simplicité. On ne verse pas une larme par surprise, mais parce que chaque détail, chaque mot, chaque silence a été pensé pour toucher juste.

L’expérience avant le gameplay

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Gloomy Eyes ne cherche pas à être un jeu au sens classique. Il ne teste pas les réflexes, il teste la sensibilité. Il n’y a pas d’échec, pas de victoire, seulement la découverte et la contemplation. Certains pourront reprocher cette absence de challenge, mais c’est précisément ce qui rend l’expérience si singulière. Le plaisir vient du ressenti, de la lenteur, du fait de se perdre dans un univers où tout a une âme. La bande-son y joue un rôle essentiel : chaque note semble respirer au rythme de la narration. Les compositions mélangent l’électro discrète, les nappes atmosphériques et les mélodies au piano, créant une bulle sonore à la fois intime et envoûtante. C’est cette alliance entre l’image et le son qui donne à Gloomy Eyes sa puissance émotionnelle. Même une fois le casque ôté, l’univers continue de résonner dans la mémoire, comme une chanson que l’on n’arrive pas à oublier. Certes, l’expérience est courte : à peine plus d’une heure. Mais sa brièveté fait partie de sa force. Gloomy Eyes ne cherche pas à durer, il cherche à marquer. Ce n’est pas un divertissement, c’est une rencontre. Un moment suspendu qui s’imprime dans la mémoire comme une scène de film ou un souvenir d’enfance. Et quand les lumières s’éteignent pour la dernière fois, on reste là, silencieux, les yeux encore pleins de cette nuit qui, paradoxalement, nous a éclairés.

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Vidéo

Les plus Les moins

Points positifs

  • Direction artistique magistrale, entre maquette artisanale et rêve gothique
  • Narration d’une intensité rare, portée par une voix charismatique
  • Univers immersif et cohérent de bout en bout
  • Bande-son envoûtante, parfaitement intégrée à l’expérience
  • Émotion constante, sincérité artistique totale

Points négatifs

  • Durée de vie très courte
  • Expérience contemplative qui peut désarçonner les amateurs de gameplay pur
  • Certains passages un peu trop guidés

En conclusion

9
Gloomy Eyes n’est pas simplement une réussite artistique ; c’est une déclaration d’amour à la créativité, à la narration et à la beauté de la différence. Ce jeu rappelle que le médium vidéoludique peut être un espace de poésie, de lenteur et d’émotion pure. Tout dans cette œuvre respire la sincérité : du design des personnages à la lumière des scènes, de la musique aux silences, tout semble orchestré pour frôler l’intime. Dans un marché où la performance technique domine souvent sur l’émotion, Gloomy Eyes choisit une autre voie : celle du cœur. Il ne séduira pas tous les joueurs, mais ceux qui s’y abandonneront en ressortiront transformés. C’est une fable moderne qui parle de mort, mais surtout de vie. De la lumière qu’on trouve parfois là où on ne l’attend plus.

Testé par Anthony TAELMAN (Tùni)

Tùni
"Joueur depuis ma plus tendre enfance, j'ai pris la première claque de ma vie en 1996 avec Resident Evil. Créateur en 2012 de CN Play, et toujours à sa tête, mon expérience de nombreuses années dans le domaine du jeu vidéo est maintenant au service de ma talentueuse équipe."
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