Renaissance 16-bits à propulsion moderne
Earthion n'est pas un simple shoot 'em up de plus. C’est une déclaration. Développé par Ancient, le studio fondé par Yuzo Koshiro, il s’agit d’un jeu pensé pour tourner sur une Mega Drive en 2025, tout en visant également les machines modernes. Earthion s’affiche donc comme un projet hybride : rétro dans l’ADN, mais contemporain dans l’ambition. Et au lieu de s'appuyer uniquement sur la nostalgie, il construit une proposition solide, exigeante et étonnamment raffinée. On y retrouve l’essence même des shoot 'em ups d’antan : réflexes, patterns, scoring, avec ce supplément d’âme propre aux jeux qui savent d’où ils viennent — et où ils veulent aller.
Entre maîtrise et accessibilité
Earthion ne cherche pas à révolutionner les mécaniques du genre, mais il les polit jusqu'à les rendre limpides. Chaque niveau suit une courbe de difficulté logique, sans jamais tomber dans la surcharge. Le vaisseau de la protagoniste, Azusa, propose une configuration de tir modulable : une attaque principale, un tir secondaire, un dash d’évasion et une jauge de bouclier rechargeable. Rien d’inédit sur le papier, mais tout est calibré avec une précision rare. La puissance de feu monte progressivement selon les modules collectés, appelés ici Adaptation Pods, distribués en fin de stage et offrant des choix stratégiques : améliorer la cadence de tir, renforcer le bouclier, changer de sous-arme, ou même obtenir une vie supplémentaire.
Ce système donne un vrai poids aux décisions, notamment sur les runs suivants. Earthion ne fonctionne pas comme un rogue-like, mais la possibilité de redémarrer avec ses choix précédents via un système de mots de passe crée une forme de « progression persistante » qui renforce la rejouabilité. L’accessibilité est également au rendez-vous, avec trois niveaux de difficulté bien différenciés : en mode normal, la difficulté est équilibrée, alors que le mode difficile transforme chaque affrontement en un ballet de projectiles millimétré. Ce qui frappe d’emblée dans Earthion, c’est l’attention portée à la direction artistique. Le style pixel art évoque évidemment les standards 16-bits de la Mega Drive, mais pousse le curseur bien plus loin grâce à des effets techniques dignes des meilleures démos. Parallaxes multiples, distorsions, fondus, effets de lumière — on est très loin d’une simple reproduction nostalgique. Chaque niveau a une identité visuelle propre, qu’il s’agisse de bases orbitales, de plaines industrielles ou de zones organiques alien. Le souci du détail dans les décors animés et les transitions entre zones impressionne constamment.
Mais ce qui élève réellement le jeu à un autre niveau, c’est sa bande-son. Composée par Yuzo Koshiro lui-même, elle démontre à quel point le compositeur maîtrise encore la synthèse FM. Chaque piste semble taillée pour renforcer l’intensité du moment, qu’il s’agisse d’une phase d’exploration calme ou d’un duel de boss infernal. Les compositions mélangent habilement techno, funk synthétique et nappes spatiales. On aurait pu craindre un simple exercice de style rétro. Il n’en est rien : l’ambiance sonore colle parfaitement à l’action, et donne au jeu une âme unique.
La tension au bon tempo
Earthion se distingue par sa capacité à gérer le rythme. Là où certains shoot 'em ups s’essoufflent ou basculent trop tôt dans la frénésie, celui-ci dose l’intensité avec maîtrise. Chaque niveau introduit une mécanique ou un type d’ennemi différent, avec une montée progressive jusqu’au boss, souvent impressionnant par sa taille, ses animations et la richesse de ses patterns. Les checkpoints sont bien placés, les morts rarement frustrantes, et chaque victoire donne cette sensation d’avoir franchi un palier personnel. Même les niveaux intermédiaires, souvent relégués au rôle de remplissage dans d’autres jeux du genre, présentent ici une variation visuelle ou sonore marquante.
Le jeu ne tombe jamais dans l’excès gratuit. Pas de bullet hell déguisé, pas de prise d’otage punitive. L’expérience reste toujours lisible, même dans les moments les plus chargés. Et si la campagne peut être terminée en une heure ou deux en ligne droite, le système d’Adaptation Pods, combiné au scoring et à la recherche du run parfait, pousse naturellement à la rejouer — ce qui est le signe d’un shoot 'em up réussi.
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Les plus Les moins
Points positifs
- Un pixel art époustouflant, mêlant rétro et prouesses techniques
- Bande-son exceptionnelle, sans doute l’une des meilleures de Yuzo Koshiro
- Gameplay précis, fluide, et équilibré
- Choix tactiques en fin de niveau grâce aux Adaptation Pods
- Très bonne rejouabilité grâce au système de mots de passe et de custom builds
Points négatifs
- Scénario minimaliste, plus prétexte que moteur narratif
- Une campagne un peu courte en ligne droite si on ne rejoue pas pour le score
En conclusion
Earthion réussit là où beaucoup échouent : il revisite un genre codifié sans le figer dans le passé. Il ne cherche pas à copier Gradius, R-Type ou Thunder Force, mais à prolonger leur héritage avec respect et exigence. L’expérience proposée est dense, cohérente, portée par une direction artistique d’orfèvre et un gameplay précis. Accessible sans être simpliste, il peut séduire aussi bien les nostalgiques que les nouveaux venus, à condition d’accepter une difficulté progressive mais réelle.
S’il ne révolutionne pas la formule, il la sublime avec suffisamment de personnalité pour exister par lui-même. Earthion n’est pas un retour en arrière : c’est un pas de côté. Et il est maîtrisé de bout en bout.
Testé par Anthony TAELMAN (Tùni)
"Joueur depuis ma plus tendre enfance, j'ai pris la première claque de ma vie en 1996 avec Resident Evil. Créateur en 2012 de CN Play, et toujours à sa tête, mon expérience de nombreuses années dans le domaine du jeu vidéo est maintenant au service de ma talentueuse équipe."