Une pause dans le temps signée Arc System Works
Avec Dear me, I Was..., Arc System Works crée la surprise en quittant les sentiers du jeu de combat pour livrer une œuvre purement narrative, dépouillée, presque silencieuse. Loin de leurs licences emblématiques comme Guilty Gear, ce titre sur Nintendo Switch 2 propose une parenthèse de 45 minutes où l'on n’affronte personne — sauf peut-être ses propres souvenirs. Ni histoire à embranchements, ni gameplay complexe, Dear me, I Was... est un moment suspendu, un poème interactif à la première personne, qui explore la mémoire et l'identité à travers des gestes simples. Pas de dialogues à suivre, pas de voix, quasiment pas de texte : tout passe par les images, l’ambiance, le rythme et les silences. C’est un jeu qui n’en est presque plus un, mais une expérience à ressentir plus qu’à "jouer".
Une narration à travers les objets
Dear me, I Was... déroule son récit sans mots. Le joueur prend place dans des environnements vides ou semi-meublés — une chambre d’enfant, une salle de classe — et y interagit par petites touches. Le gameplay se limite à quelques gestes très simples : sortir ou ranger un objet d'un carton, colorier vulgairement un cahier... Rien n’est imposé, rien n’est urgent. Il n’y a ni énigmes ni défis, seulement des fragments d’un passé laissé en suspens. La narration n’est jamais frontale. C’est en examinant l’environnement qu’émerge peu à peu une histoire. Aucun mot n’est prononcé, mais chaque objet semble chargé d’un vécu. Le joueur devient témoin d’une introspection muette. Tout repose sur l’interprétation. Ce n’est pas un récit qu’on suit, c’est un état d’âme qu’on habite. L’expérience visuelle et sonore constitue l’essentiel du ressenti. Graphiquement, le jeu opte pour une 3D minimaliste, avec une direction artistique pastel qui évoque les souvenirs flous, presque effacés. Les lieux traversés sont volontairement dépouillés, comme si la mémoire ne retenait que l’essentiel. Le style graphique n’est ni réaliste ni stylisé à l’extrême, mais discret, presque effacé, ce qui renforce le sentiment de nostalgie douce-amère. La bande-son, elle, est présente mais discrète. Un piano isolé, une note prolongée, parfois le bruit d’un carton qu’on ouvre ou d’un crayon qui gratte sur du papier : tout concourt à une ambiance feutrée. Cette sobriété n’est pas un manque, mais une volonté claire de laisser respirer le silence, de créer un espace où le joueur n’est pas guidé, mais invité à ressentir. On avance lentement, non pas vers une fin spectaculaire, mais vers un apaisement progressif.
Un non-jeu pour les curieux de l’âme
Il est important de comprendre ce que Dear me, I Was... n’est pas : ce n’est pas une histoire à embranchements, il n’y a aucun choix scénaristique, aucune rejouabilité, aucune progression au sens ludique du terme. Ce n’est pas une aventure, ni un puzzle, ni une narration interactive à la manière des jeux Telltale. C’est un flux, une bulle de 45 minutes à vivre une seule fois. Les interactions sont volontairement limitées comme colorier un cahier à la va-vite, ouvrir une lettre… Des gestes insignifiants en apparence, mais qui prennent sens dans le fil émotionnel. Joué à la manette, le jeu n’essaie pas d’enrichir ses mécaniques ni de simuler un quotidien réaliste. Il cherche simplement à provoquer une émotion brute. Ceux qui attendent du rythme, de l’implication narrative ou un gameplay riche risquent de passer à côté. Mais ceux qui acceptent de ne rien faire, ou presque, pendant trois quarts d’heure — tout en laissant les sensations s’installer — en ressortiront probablement troublés, ou du moins apaisés (surtout lors de la scène finale).
Galerie Photos
Vidéo
Les plus Les moins
Points positifs
- Ambiance contemplative parfaitement maîtrisée
- Narration environnementale subtile et touchante
- Direction artistique douce et cohérente
- Expérience brève mais émotionnellement marquante
Points négatifs
- Aucune interaction significative ou choix narratif
- Pas de rejouabilité, ni d’évolution possible
- Gameplay extrêmement limité, parfois presque passif
- Peut laisser totalement froid si l’on n’entre pas dans l’ambiance
En conclusion
Dear me, I Was... n’a rien à prouver. Il ne cherche pas à divertir, ni à surprendre, encore moins à impressionner. C’est une œuvre de silence, de lenteur et de suggestion. Une lettre ouverte sans expéditeur, à lire sans précipitation. Arc System Works, connu pour ses jeux intenses et compétitifs, livre ici l’un de ses projets les plus atypiques. Un jeu contemplatif, presque méditatif, à la frontière entre le jeu vidéo et l’installation artistique.
Pour certains, ce sera une perte de temps. Pour d'autres, une parenthèse douce et émotive dans un monde vidéoludique trop bruyant. C’est exactement là que se situe la réussite de Dear me, I Was... : dans sa capacité à diviser sans jamais chercher le consensus. Une œuvre qui assume pleinement sa lenteur, sa discrétion, et qui touche à quelque chose de vrai, sans jamais en dire trop.
Testé par Anthony TAELMAN (Tùni)
"Joueur depuis ma plus tendre enfance, j'ai pris la première claque de ma vie en 1996 avec Resident Evil. Créateur en 2012 de CN Play, et toujours à sa tête, mon expérience de nombreuses années dans le domaine du jeu vidéo est maintenant au service de ma talentueuse équipe."